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Cory Doctorow postule une société de l'abondance, un capitalisme qui aurait accéléré, accentuant de façon radicale les inégalités sociales et dans le même temps mettant à la disposition d'un grand nombre — sous réserve de compétence — les moyens technologiques d'imaginer et de concrétiser une alternative fondée sur l'économie du don, les communs, l'autogestion et la coopération et rendue possible par les technologies.
Les Abandonneurs tournent le dos au monde "par défaut", s'extraient de l'illusion méritocratique et renoncent à toute possession pour mettre en pratique une organisation sociale radicalement autogestionnaire (et on pense au mouvement de désertion des jeunes diplômé.es des grandes écoles françaises). Et c'est tout le modèle néo-libéral qui se fissure. La désertion des serfs lui est intolérable — sans oppression le privilège perd de sa saveur — et déchaîne sa violence. Mais même ça ne peut assurer sa victoire face aux exploits de l'intelligence collective qui permet aux Abandonneurs de conquérir la seule chose qui échappe encore aux "zottariches", l'immortalité. Le rapport de force se trouve si ce n'est inversé, sérieusement remis en question, avant d'achever de basculer.
Ici la technologie est l'instrument de la transformation sociale en même temps que celui de la surveillance et de la domination, dans les deux cas à grande échelle. Cory Doctorow choisit d'évacuer la question de l'accès à l'énergie et aux matières premières. Les unes et les autres sont abondantes, facilement accessibles, grâce encore une fois au progrès des technologies et à l'adoption généralisée du craddle-to-craddle — chaque objet, bâtiment, équipement devient une banque de matériaux réutilisables.