Ici et là se forment des alliances improbables pour faire front contre les projets d’extraction de ressources naturelles sur des terres habitées, par des peuples autochtones ou des populations marginalisées. Donna Haraway, Vinciane Despret et Fabrizio Terranova en font l’un des points de départ d’un travail de « fabulation spéculative » à six mains, repris dans le dernier ouvrage de la philosophe, zoologue, féministe…
Par chance, Camille vint au monde lors d’une irruption puissante et inopinée de communautés entrelacées. Chacune d’entre elles comptait une centaine de personnes. Elles étaient mues par le besoin de migrer vers des lieux en ruines et de s’atteler, avec des partenaires humains et non humains, à leur guérison en construisant les réseaux, les chemins, les nœuds et les toiles d’un monde nouvellement habitable.
Certaines des implantations et migrations s’étaient concentrées sur les conséquences de l’exploitation minière. En Chine, sur des terres et dans des villages en ruines à proximité de mines de charbon à l’initiative de femmes âgées des campagnes et d’activistes du mouvement Vert chinois. Dans l’Alberta et le Nunavut au Canada, en lien avec la résistance contre l’extraction des sables bitumineux et d’autres projets liés à l’exploitation des combustibles fossiles, menée par des coalitions d’Autochtones et de personnes venues du Sud du pays. Dans le bassin de Galilée en Australie, en solidarité avec la résistance des peuples Wangan et Jagaling ou contre la mine de charbon Carmichael. Chez les Navajos et Hopis de Black Mesa : en alliance avec des activistes anglophones, latino et autochtones. Au Pérou, en Bolivie, en solidarité avec les mouvements contre l’exploitation minière. Dans le département de Putumayo, en Colombie : en résistance à l’extraction minière et à l’agriculture industrielle. Et la liste serait encore longue des mouvements investissant des terres ruinées ou menacées de ruine pour œuvrer à leur régénération.
Donna Haraway, Vivre avec le Trouble, Histoires de Camille
Et bien que les enjeux diffèrent, ces mobilisations, les alliances auxquelles elles donnent naissance, les façons d’habiter un territoire qu’elles engendrent ne sont pas sans résonner avec les mouvements qui, en France, de Notre-Dame-des-Landes à Sivens ou plus récemment Sainte-Soline prônent la résistance active à des projets qui menacent l’équilibre des écosystèmes et s’attaquent aux communs.
Elles font également écho aux modalités moins ouvertement conflictuelles de réinvestissement des territoires comme espaces « à ménager » plutôt qu’à aménager qui reposent là encore sur des coalitions hétérogènes ancrées dans un lieu (biorégion, bassin versant, site d’intérêt écologique…) et