Archive n°324 (fonds de l’association Sciences cosmophoniques et paralinguistiques)
Extrait du procès-verbal de la réunion de création d’une nouvelle association distincte et indépendante de l’Association de thérolinguistique
Les membres du comité scientifique ont d’abord unanimement tenu à saluer les immenses progrès accomplis jusqu’à ce jour par l’association des thérolinguistes. On se souviendra particulièrement de ceux qui ont été permis par la découverte de fragments de messages de fourmis trouvés, sous la forme de traces d’exsudation de glandes, sur des graines d’acacia soigneusement arrangées. Faire le pari qu’il s’agissait d’un message explicite et délibéré laissé par une fourmi anonyme était risqué, mais cela s’avéra gagnant. Certes, l’analyse des fragments et surtout leur traduction suscitèrent de nombreuses controverses chez les thérolinguistes – les fourmis ne connaissant pas l’usage de la première ni de la seconde personne dans la formulation des verbes, il était difficile de traduire précisément des énoncés comme “manger les œufs !”. Comme il était tout aussi compliqué de comprendre le cri “en haut la reine !” dans un monde où le haut représente justement le danger et ce qui doit être évité – ne fallait-il pas plutôt l’envisager, de manière non ethnocentrique, comme l’expression d’une révolte : “À bas la reine !” ? L’idée, inimaginable jusqu’alors, d’une possible poésie pamphlétaire chez les fourmis constitua un pas décisif et ouvrit le champ de la thérolittérature à quantité de formes expressives jusque-là négligées.