Witness est la mégapole marine la plus peuplée de l’histoire de l’humanité. Initialement développée dans le cadre du projet Viking (qui a donné naissance à d’autres villes célèbres telles que Byzantium, Vivarium ou Oceanix Busan), Witness s’est développée bien au-delà de ses limites physiques et juridiques d’origine. Elle est aujourd’hui considérée comme la capitale culturelle, financière et médiatique du monde post-séparation.
Alors que la plupart des autres villes du projet Viking fonctionnent comme autant de territoires unifiés, supervisés par un seul gouvernement et une seule Machine d’État, Witness est un ensemble de districts interdépendants qui fonctionnent de facto comme des cités-États à part entière. Chaque Distrikt est ainsi fondé sur un ensemble particulier de contrats sociaux, économiques, philosophiques et moraux. Entre les distrikts circule le Migrant Train, un monorail offrant un transport à coût zéro pour les citoyen.nes qui souhaitent migrer d’un distrikt à l’autre, pour y vivre sous un contrat social différent. Alors que la Machine d’État de Witness supervise de jure tous les territoires, en réalité, elle ne gère que certaines parties des infrastructures qui relient les distrikts, pilote la réponse aux catastrophes affectant plusieurs distrikts et assure le maintien de l’ordre dans les cas où un conflit inter-distrikts semble imminent.
Fondation
Comme pour toutes les grandes cités de l’histoire de l’humanité, une grande partie de la chronique de la fondation de Witness est à jamais perdue. Ce qui reste, de maigres journaux, fragmentaires, conservés dans les mémoires des machines, est nimbé dans un cocon de demi-mythes, de récits apocryphes et d’affrontements entre historiens rivaux. Déplacez-vous de trois distrikts et les histoires changent. Sur une mer aussi ténue, nous sommes maintenant à la dérive, et c’est à nous de trouver un sens.
Andromache Kosovitch, Aethnographie : Les Nouvelles Histoires de Notre Temps, Bibliothèque de St. Benedict
Le consensus général veut que Witness ait été à l’origine un habitat expérimental, conceptualisé pendant les années post-peste par un certain Jonathan C. Denton, fonctionnaire d’une certaine importance dans une entité de l’Ancien Monde connue sous le nom d’Organisation des Nations Unies. Comme il en témoigne lui-même, Denton était alors impliqué dans une collaboration entre un groupe de sociétés technologiques privées et une agence de l’ONU connue sous le nom d’ONU-Habitat ; les objectifs de cette collaboration étaient de construire douze villes flottantes qui pourraient résister au changement climatique, accueillir une population importante et servir de stations de soutien mobiles pour les zones ravagées par l’élévation du niveau de la mer et les conditions météorologiques erratiques.
Souvent désignée dans les archives publiques arrachées à l’oubli sous le nom de Viking Project, cette collaboration a conduit à de réelles avancées en matière de design ainsi qu’au développement d’un certain nombre de technologies modernes, y compris ce que nous appelons aujourd’hui les Machines d’État ou les Ramos Harvesters. Initialement critiqué comme une collection de « bunkers apocalyptiques techno-futuristes », le projet Viking s’est avéré être l’une des clés de la survie de l’humanité dans les années post-peste.
À mesure que le projet avançait, Denton, cependant, devint de plus en plus critique, désabusé par la conception utilitaire de la gouvernance des villes auxquelles il donnait naissance. Ses premiers écrits explorèrent les théories alternatives d’un certain T.M. Scalon, philosophe et ardent promoteur d’un mode de vie basé sur la reconnaissance mutuelle de ce qui pourrait nuire à autrui. Aux côtés de l’architecte Minette de Silva, de l’économiste Rohan Kapoor et de dix autres pionnier.es, Denton parvient à mobiliser ressources et acteurs pour construire une treizième ville, conçue de manière beaucoup plus modulaire que les douze villes originelles du projet Viking : la ville de Witness.
Le premier âge et la Machine d’État
Les aethnographes s’accordent rarement sur l’année exacte de la naissance de Witness, mais le consensus général est que la ville a été lancée à l’époque de la Séparation. Elle a été fondée par un mélange éclectique de volontaires, de personnels travaillant sur le chantier et de personnes secourues dans les régions avoisinant son point d’ancrage.
Denton qualifiera cet attelage de « sous-optimal » et passera le reste de sa vie à tenter de maximiser sa productivité, mais de nombreuses preuves aethnographiques ont été avancées pour soutenir l’idée que l’afflux initial de travailleurs qualifiés a de fait aidé Witness à survivre à la Séparation et à rendre la ville plus autosuffisante que les autres villes du projet Viking.
Durant le premier âge, Denton s’employa à sauver les réfugié.es climatiques des côtes voisines et à compiler son Manifeste, faisant de Witness l’argument principal en faveur du contractualisme comme pilier philosophique du gouvernement des villes post Séparation. En parallèle, Minette de Silva supervisait les révisions constantes de l’infrastructure, de l’architecture et de la propulsion de la Ville et a, par conséquent, peut-être davantage contribué au fonctionnement ultime de Witness que Denton. Dans le Manifeste, elle est occasionnellement désignée comme la première mairesse de Witness, mais peu d’autres documents restent de ces années. Parmi les autres personnalités répertoriées comme fondateurices de Witness – dont Rohan Kapoor – il reste très peu de documents vérifiables, mais quantité d’hypothèses apocryphes circulent sur le sujet.
L’un des composants essentiels de toutes les villes du projet Viking était la Machine d’État — un système de gouvernance de nouvelle génération utilisant les mégadonnées comportementales pour évaluer et analyser dynamiquement les besoins d’une population et ajuster les lois et politiques publiques en conséquence. La plupart des Machines d’État connues, comme celles de Byzantium et de Vivarium, reposent sur une forme d’utilitarisme. Les archives de Denton indiquent que la Machine d’État de Witness a été modifiée — par Rohan Kapoor et une équipe d’ingénieurs en logiciel connue sous le nom de groupe CIVICSMOD — pour retenir l’interprétation de Denton du contractualisme.
Bien que l’on puisse leur attribuer une part non négligeable des succès initiaux de Witness, les dissensus au sein de la population de la ville, couplés à une Machine d’État non standard conduiraient aux événements du Point de Rupture et à la structure actuelle de Witness. Le corps des CIVICSMOD, en charge des fonctions support lors de la fondation de la ville, a conservé ces fonctions en dépit des vagues de démissions et de bouleversements politiques qui la suivirent. Il est actuellement l’autorité technique dominante au sein du Conseil des Distrikts.