L’officier de sécurité prit un air renfrogné alors que je m’avançai. Je pouvais distinguer trois entrées derrière lui. Celle du milieu menait à un vaisseau baptisé « Troisième Poisson », qui devait m’emporter vers l’université d’Oomza. La porte était grande et ronde et donnait sur un long couloir illuminé par de douces lumières bleues.
« Avancez », ordonna le garde. Il portait l’uniforme du personnel de premier niveau des sites de lancement – une longue tunique blanche et des gants gris. Je n’avais vu cet uniforme que dans des histoires en streaming ou dans des livres et cela me donna envie de rire malgré moi. Il avait l’air ridicule. Je m’avançai et tout devint rouge et chaud.
Quand le scan corporel bipa pour indiquer qu’il était terminé, l’officier de sécurité enfonça sa main dans ma poche et en sortit mon edan. Il le tint en face de son visage et prit un air encore plus renfrogné.
J’attendais. Que pouvait-il bien savoir ?
Il inspecta le cube étoilé, appuyant sur ses nombreux points du bout des doigts et avisant les étranges symboles qui se trouvaient dessus que j’avais essayé en vain de décoder pendant deux ans. Il le rapprocha de son visage pour mieux observer les cercles complexes et les tourbillons de bleu, de noir et de blanc qui ressemblaient beaucoup aux dentelles que les jeunes filles placent sur leur tête quand elles passent le rite de leur onzième année.
« C’est quoi comme matière ? demanda le garde, le tenant devant un scanner. Ce n’est pas un métal connu. »
Je haussai les épaules, bien trop consciente des gens derrière moi qui attendaient et m’observaient. À leurs yeux, j’étais certainement une de ces personnes qui vivaient dans les grottes profondes du désert et qui ont été tellement noircies par le soleil qu’elles ressemblent à des ombres. Je ne suis pas fière de dire que j’ai un peu de sang des gens du désert du côté de mon père, d’où viennent ma peau sombre et mes cheveux sauvages.
« Votre identité indique que vous êtes une harmonisatrice, passée maître dans la fabrication des meilleurs astrolabes, dit-il. Mais cet objet n’en est pas un. C’est vous qui l’avez assemblé ? Et comment pouvez-vous créer quelque chose sans savoir de quoi il est fait ?
— Je ne l’ai pas fabriqué.
— Qui alors ?
— Ce… n’est qu’un vieil objet, ai-je répondu. Il ne porte aucun signe de mathématiques ou de courant. Ce n’est qu’un appareil informat’ inerte que je transporte pour me porter chance. » C’était en partie un mensonge. Mais je ne savais réellement pas ce que cet objet pouvait faire ou non.
L’homme avait l’air de vouloir poser plus de questions, mais il n’en fit rien. Je souris en mon for intérieur. Les officiers de sécurité du gouvernement n’étaient éduqués que jusqu’à l’âge de dix ans, mais de par leurs rôles, ils avaient l’habitude de donner des ordres. Et ils prenaient les gens comme moi de haut. Apparemment, ils étaient les mêmes partout, peu importe la tribu. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’était un « appareil informat’ », mais il ne voulait pas montrer à une pauvre petite Himba qu’elle était plus éduquée que lui. Pas devant toutes ces personnes. Il me fit donc passer rapidement et je me trouvai enfin devant l’entrée de mon vaisseau.